<!-- @page { size: 21cm
La mutation de l’agroalimentaire
Quelques denrées de base composaient l'essentiel des produits disponibles pour l’alimentation quotidienne des populations. Durant les longs mois d'hiver, ou pendant les saisons sèches, elles devaient s'accommoder de quelques rares ingrédients qu'elles parvenaient à stocker en quantité suffisante. Ici le blé, là le riz, le chou, la pomme de terre, le manioc, la farine de châtaigne ou la semoule de maïs… Il fallait des trésors d’ingéniosité pour varier la cuisine quotidienne. Sans doute les gens étaient-ils habitués à manger toujours les mêmes choses. Seuls, les fêtes et le rythme des saisons permettaient de varier les menus.
Les progrès des moyens de transport, les nouvelles technologies de conservation comme la salaison, la stérilisation, la pasteurisation, le froid, puis la congélation, ont progressivement permis de développer les filières agro-industrielles, qui, après avoir éloigné les affres de la famine, ont enrichi la palette du cuisinier de nouvelles saveurs.
Aujourd'hui,
l'agroalimentaire offre à une part croissante de la population
une multitude de possibilités, inimaginables il
y a de cela encore quelques décennies. Les cuisines locales
continuent de s'enrichir de ces apports ; mieux, il est possible dans
n'importe quelle ville du monde de manger chinois, niçois,
italien, américain, maghrébin. Et pourtant, cet
incomparable enrichissement de la diversité au plan individuel
masque un appauvrissement irréversible au plan de l'humanité,
à l'échelle du monde.
Prenons
les linéaires des grandes surfaces qui fournissent la majorité
des biens de consommation d'une part croissante de l'humanité.
Leur contenu, notamment les fameux 20/80 (20 % des produits de grande
consommation représentant 80 % des ventes), est presque
identique d'un bout à l'autre de la planète. Le
mouvement semble encore s’amplifier avec le succès des
supermarchés hard
discount,
qui ont réduit leur achalandage à 10 % de ce que
proposent les hypermarchés, c’est à-dire à une
sélection de produits relevant des fameux 20/80, en nombre
limité, sans marque,identiques dans tous les magasins de la
même chaîne.
Pendant
des millénaires les habitants de la terre ont, dans leur
immense majorité, consommé ce qu’ils produisaient eux-mêmes, au sein de
petites communautés se nourrissant de leurs
propres
récoltes, de leur élevage, de la pêche ou de la
chasse des hommes du clan.
Aujourd’hui
la majorité des populations, y compris les plus pauvres
dépendant de l’aide alimentaire mondiale, vit en ville et se
nourrit de productions médiatisées par l’échange
monétaire, fournies en grande partie par les industries
agroalimentaires de masse. Les rapports directs à la terre, au
terroir, au travail collectif que les populations entretenaient en
ingérant le produit de cette activité disparaissent, au
profit d’une nourriture dont la production et la distribution se
font à l’échelle mondiale. Cette nourriture ne
parvient sur les étalages qu’après avoir été
réduite en poudre, en carrés, en bâtonnets, après
avoir été lyophilisée, congelée,
réfrigérée, pasteurisée, mise en boite,
en sac, en portions pour être livrée prête à
manger, sans que le consommateur n’en sache rien, si ce n’est
qu’elle correspond aux normes de qualité, de composition,
d’hygiène affichées sur le paquet. Au mieux, la
nourriture moderne ne renvoie jamais qu’à un imaginaire
collectif, onirique, vague, enrichi par les spots publicitaires, avec
ses paysans rustiques, ses bergers plein de sagesse, ses moines
débonnaires et gastronomes, ses verts pâturages, ses
sources pures, où se mêlent encore des nymphes
sensuelles, des jeunes filles sportives, des ménagères
heureuses et leurs gentils polissons …
Nous
sommes passés des produits bruts à des produits
transformés, à plus forte valeur ajoutée.
Prêt-à-manger,
convenience
foods, aliments-service, solution-repas, produits-solution,
etc.
Tous ces termes englobent différents plats et denrées, consommés chauds ou froids, qui nécessitent peu de temps de préparation. La restauration fait partie des industries du prêt-à-manger, dans la mesure où cette dernière nourrit quotidiennement des personnes qui ne prennent plus leur repas chez eux, soit qu’elles travaillent trop loin de leur domicile, soit qu’elles n’aient personne pour leur préparer à manger.
Ces produits offrent plus de praticité au consommateur et lui permettent d’économiser du temps et des efforts. Ils s’adressent en particulier aux célibataires, aux personnes peu expérimentées en cuisine, aux femmes qui travaillent, aux gens pressés et aux personnes âgées.